Dans la tête de Recep Tayyip Erdogan

“Depuis le début de sa carrière, l’un des principaux traits de ca­ractère de monsieur Recep Tayyip Erdoğan, c’est qu’il a la langue proche du cœur. Il dit ce qu’il pense aussitôt qu’il le pense”, ana­lyse l’un de ses plus vieux compagnons de route. On pourrait donc le lire à livre ouvert ? “Il n’est pas très cultivé, ajoute un journaliste, il n’a jamais lu Sun Tzu ou Machiavel. Mais malgré cela, c’est l’un des leaders les plus forts du monde.”

Comment cet homme politique, proche du Turc de la rue, au pouvoir depuis 2003, porté par la réussite économique in­solente de son pays, est-il parvenu à vampiriser la vie politique sans jamais craindre d’institutionnaliser l’opportunisme comme méthode de gouvernance ?

On se souvient qu’il voulait adhérer à l’Union européenne, qu’il était le “frère” de Bachar el-Assad, l’allié d’Israël, qu’il négo­ciait avec les Kurdes du PKK, qu’il marchait main dans la main avec Fethullah Gülen, son ennemi juré d’aujourd’hui, et cætera...

De plus en plus mystique après le coup d’État manqué de 2016 – “un don de Dieu”, dit-il –, il se compare volontiers au prophète Mahomet sauvé à Médine par une araignée. Citant le Coran à tout-va, l’hyper-président, installé dans son palais monumental de mille cent cinquante pièces, se veut aussi le successeur d’Atatürk, et pourquoi pas, bientôt, celui de Soliman le Magnifique.

Il demeure un acteur incontournable dans un Moyen-Orient en pleine recomposition et d’une complexité redoutable. Mais pour combien de temps ? Jusqu’en 2029 comme il le souhaite ?

Entre-temps, il sera devenu le fossoyeur de la fragile démocra­tie turque en menant une répression de masse impitoyable contre des milliers d’“opposants”, tout spécialement contre les journalistes du pays qui occupe la 155e place sur 180 au classement 2017 de la liberté de la presse