L’historienne Duygu Tasalp prend pour point de départ de son analyse, les écrits autobiographiques publiés par les principaux membres du Comité Union et Progrès, dont la responsabilité dans la préparation et l’exécution du génocide des Arméniens n’est plus à démontrer. Cent ans après la naissance de la Turquie moderne, sous l’impulsion de Mustafa Kemal, ces mémoires demeurent des ouvrages de référence, toujours lus par la majorité de la population, laquelle y adhère plus ou moins complètement. Ces ouvrages ont présidé à la fondation d’une mémoire collective et nationale turque. Mieux, ils ont donné lieu à diverses interprétations en fonction des périodes et des régimes qui se sont succédés : du nationalisme et de la laïcité à marches forcées représentés par Atatürk à l’islamisme grandissant depuis la fin du siècle dernier, les niveaux de lectures se rejoignent en définitive dans leur rejet de la « question arménienne ».